La récente sortie du ministre de l'Éducation nationale, selon laquelle les enseignants en Mauritanie seraient incapables pour 96 % d'entre eux de transmettre correctement les programmes scolaires, commence à faire des remous dans le milieu éducatif. Nous devons ajouter à cela, le taux de réussite au bac qui est inférieur à 10 % et finalement, nous avons un désastre éducationnel, duquel personne ne peut échapper et qui sacrifie plusieurs générations de Mauritaniens.

Le ministre évoque en appui de cette information, une évaluation scientifique réalisée par le secteur éducatif et des partenaires internationaux.
Pourquoi n'est-elle pas publiée ? Quelle partie du secteur éducatif s'est autoévaluée ? Quels sont les critères d'évaluations scientifiques utilisés ?
Pourquoi est-ce que le syndicat libre des enseignants mauritaniens semble choqué par l'affirmation du ministre ?
N'était-il pas au courant que cette évaluation du secteur éducatif avait lieu ? Ou sont-ils uniquement surpris par le résultat dramatique ?
Cette évaluation tient-elle compte des politiques éducatives de ces trente dernières années ?
Du rôle de l'idéologie dans la construction de notre système éducatif public et dans la conception de nos programmes scolaires ?
Fait-elle la comparaison entre les enseignants du public et du privé ?
Entre le système public et privé ?
Je pense qu'il serait urgent de la part de notre gouvernement, de se souvenir que la situation éducative de notre pays, est sous la responsabilité du régime militaire depuis plus de 40 ans. Ce désastre étant de leur fait, il devrait plutôt se concentrer sur les méthodes qu'ils vont utiliser pour résoudre ces erreurs. Ce n'est certainement pas en pointant du doigt les enseignants qu'ils réussiront à nous faire oublier le rôle majeur qui a été le leur dans cette humiliation.
Réformer l'Éducation nationale en Mauritanie n'est pas une mince affaire. Nous aurions donc énormément à gagner, en associant toutes les parties susceptibles de faire avancer ce lourd dossier, dans le sens de l'intérêt général de la nation.
Ce qui comprends le corps enseignant et professoral (y compris les retraité(e)s), les parents, les élèves, les étudiants, les syndicats, les associations, l'administration, le gouvernement et l'état.
Pour réformer un secteur, il faut pouvoir identifier les obstacles et les failles qui ont pu nuire à l'évolution prévue par le système. Il convient de faire un bilan circonstancié des politiques publiques de ce secteur et des conséquences (positives ou négatives) qu'elles ont pu avoir sur le court, moyen et long terme. Un bilan doit être réalisé sur la gestion administrative de ce domaine vital pour la souveraineté et l'indépendance nationale. Une évaluation des moyens mis à la disposition des enseignants et des élèves doit être effectuée ainsi qu'une analyse des dépenses de ce département depuis 30 ans.
Il serait peut-être utile de revoir la justesse de nos cursus, et leur adéquation avec le marché du travail mauritanien ainsi que la validité de nos programmes et de nos techniques d'enseignement. L'approche qui doit être, à mon sens, adopté, consiste à essayer de réparer les erreurs commises, en réorientant les élèves et les étudiants vers des cursus avec des débouchés concrets. En mettant en place un système de validation des acquis de l'expérience ainsi qu'un accès réel à la formation continue. En donnant une opportunité de reclassement aux enseignants " défaillants" et de remise à niveau.
Enfin, en remettant les parents et les associations de parents élèves au centre de la définition d'une solution, car les enfants dont on a sacrifié le succès académique sont quand même les leurs.
Le sérieux du dévouement d'un peuple pour l'avenir de son pays, se mesure à l'accès et la qualité de l'éducation qu'il dispense dans les écoles.
Il n'est pas juste ni moral, de faire porter la responsabilité de l'échec de notre éducation publique, sur les épaules des enseignants ou des élèves et étudiants. Faire une évaluation scientifique sur le niveau des enseignants, c'est oublier que la plupart sont des fonctionnaires et que leur processus de recrutement et de formation est à la charge de l'État employeur.
Je peux témoigner que beaucoup de nos enseignants et professeurs ont un meilleur niveau que bien de ceux qui prétendent nous diriger. Nous devons énormément de ce que nous sommes à nos enseignants et professeurs, qui ont réussi avec peu de moyens à nous transmettre l'essentiel de ce que nous devions savoir.
Sans oublier les enseignants et professeurs étrangers, sénégalais, maliens, béninois, camerounais et tant d'autres nationalités qui ont contribué à notre éducation et notre formation. Nous leur sommes redevables et notre gratitude ne nous permet pas de laisser ainsi suggérer que ce sont ces hommes et femmes qui sont à l'origine du problème de l'éducation nationale en Mauritanie.
Sachons que rien de tout ce que nous accomplissons en commun n'a de sens, en dehors de la prémisse suivante : "Nous partageons la responsabilité d'éduquer nos enfants et de les protéger."

