Les Mauritaniens se souviendront sans doute, de ce mouvement désordonné et anarchique suscité par le gouvernement en 2016, qui consistait à ouvrir le marché de la prospection de l'or aux citoyens.
Phénomène, que certains observateurs médiatiques ont eu l'humour de baptiser : " La ruée vers l'or !"
Peu d'entre eux, cependant, se posaient la question de savoir ce qui pouvait bien motiver cette soudaine libéralisation d'un secteur, normalement très encadré par l’État Mauritanien.

Le secteur minier en Mauritanie, en raison du fait qu'il contribue pour beaucoup au PIB du pays est une chasse gardée de l'État. Selon certaines estimations, cette part a augmenté de 13% à 30% sur la période allant de 2006 à 2014. Il s'agit donc d'une source de revenus considérable qui mise au service du bien-être des populations, pourrait participer à la planification d'un développement réel sur l'ensemble du territoire habité de la Mauritanie.
Pour vous donner une petite idée, dans l'état actuel de nos connaissances (faibles), en termes de prospection et d'exploration, les réserves d'or de la Mauritanie sont évaluées à 25 millions d'onces (700 tonnes).
De 1993 à 2017, nous avons eu une production moyenne de 7 tonnes d'or par an et durant l'année de l'ouverture du secteur aux orpailleurs traditionnels ou artisanaux (2016-2017) on enregistre une augmentation de 2 tonnes. En gardant à l'esprit, qu'au cours de cette période, il n'y avait aucune régulation en place, nous pouvons supposer que l'augmentation est sans doute supérieure à celle annoncée.
La question immédiate qui s'impose suite à la présentation de ces faits, est celle visant à interroger le processus impulsif de la prise de décision, visant à libéraliser ce secteur sans prévoir sa régulation préalable. À posteriori, nous savons que cette décision a privé le marché mauritanien du temps nécessaire à l'anticipation de la demande que cette nouvelle activité pouvait recouvrir (matériel de détection et autres).
Nous savons aussi que l'absence de régulation a permis à des aspirants chasseurs d'or de découvrir des objets de nature archéologique et de les vendre en toute tranquillité sans aucune déclaration. Nous pouvons supputer que dans ces circonstances, bien des activités ont pu se dérouler au nez et la barbe des autorités.
Après le chaos instauré, un semblant d'ordre fut rétabli, c'est ainsi que la société nationale MAADEN voit le jour, afin de se charger de la gestion de tout le processus de production d'or par les orpailleurs artisanaux. Elle a pour mission principale d'octroyer des autorisations aux dépositaires des unités de traitement de l'or à Nouhadibou ou à Zouérate où se concentre l'essentiel de l'activité. La banque centrale de Mauritanie est devenue la seule et unique voie légale pour vendre l'or provenant des opérations d'extraction artisanale.
Je pense qu'il y a une probabilité importante pour que ceux qui ont ouvert le secteur sans aucun cadre de contrôle et sans aucune réglementation, soient les premiers bénéficiaires de cette libéralisation. L'avenir nous le dira !
Une autre question me taraude depuis quelques années déjà, sur l'utilisation de l'or Mauritanien dans la doctrine économique de notre pays. Je ne sais pas ce que nos économistes Mauritaniens pensent ou ce qu'ils prévoient sur les questions économiques nationales.
Je sais qu'ils travaillent à faire des rapports et des études pour nos partenaires étrangers mais je ne sais pas ce qu'ils pensent de notre développement, de ce qu'il faudrait faire dans notre contexte en évolution permanente.
Ce manque d'investissement de l'élite intellectuelle Mauritanienne sur les questions cruciales de notre avenir en commun, laisse à penser qu'elle n'est en réalité qu'une abstraction de notre imagination. Une élite qui ne propose rien, qui n'écrit rien, qui ne publie rien, qui ne fait aucune pédagogie, aucune vulgarisation, est une élite agonisante ou morte.
C'est dans cette optique, que j'ai voulu me rapprocher du président de l'association des orpailleurs artisanaux de Mauritanie, pour vous ouvrir une petite fenêtre de compréhension sur ce nouveau secteur d'activité qui implique officiellement pas moins de 20.000 Mauritaniens.
Entretien réalisé par écrit NC et traduit par COB et BOA

Sidaty Mohamed Vall President de l'association des orpailleurs artisanaux de Mauritanie.
Nayra Cimper (NC) : Pouvez-vous me dire depuis quand existe l’orpaillage artisanal en Mauritanie ?
Sidaty Mohamed Vall (SMV) : L'orpaillage artisanal a commencé en Mauritanie en 2016.
NC : Quelles sont les lois qui régissent le secteur de l’orpaillage artisanal en Mauritanie ?
SMV : Le président envoi des documents pour répondre à cette question :



NC : Avez-vous des normes à respecter ?
SMV : Oui nous avons un règlement intérieur.
NC : Au regard de l’environnement, quelles sont les précautions que vous prenez ?
SMV : Oui notre règlement intérieur exige le respect de l'environnement, malgré cela les orpailleurs utilisent le mercure et ne respectent pas les mesures de sécurité, en violation des règlements.
NC : Ces précautions vous sont-elles imposées ou viennent-elles de votre propre expérience sur la question ?
SMV : Oui tous les dangers sont connu par l'expérience.
NC : Quelles sont les protections que vos mineurs doivent employer pour prévenir des effets des produits chimiques sur leur santé ?
SMV : Malheureusement on ne respecte aucune mesure de sécurité.
NC : Quels produits chimiques utilisez-vous pour traiter l’or et comment les évacuez-vous ?
SMV : Le mercure est utilisé de manière normale.
NC : Quelles sont les zones aurifères de prédilections des orpailleurs artisanaux ?
SMV : Quelques zones.
NC : Quelles sont les quantités que vous pouvez exploiter annuellement ?
SMV : Les quantités sont estimées a des dizaines de tonnes.
NC : Combien de membres avez-vous dans votre association ?
SMV : Les adhérents sont au nombre de 27130.
NC : Existe-t-il d’autres associations du même genre en Mauritanie ?
SMV : La seule association officielle est la nôtre et en voici l'autorisation :


NC : Collaborez-vous avec d’autres associations du même type en dehors du pays ?
SMV : Jusqu’à present il n'y a pas eu de collaboration avec une autre association à ce que je sache.
NC : Comment vendez-vous l’or que vous avez extrait ?
SMV : L' or se vend sur le marché noir malgré l'existence des lois l'interdisant.
NC : Êtes-vous censé vendre en priorité sur le marché Mauritanien ?
SMV : Oui cela se vend sur le marché mauritanien et aussi à l étranger.
NC : Quels sont les pays d’origine de vos clients ?
SMV : Je ne veux pas pour le moment divulguer les resaux de ventes.
NC : Trouvez-vous que l’orpaillage industriel en Mauritanie est favorisé ?
SMV : La prospection industrielle n'est jusqu'à présent pas soutenue en dépit de nos appels insistants ..il est au contraire perfidement combattu.
NC : Avez-vous des remarques à ce sujet ?
SMV : Sur Kinros et Tasiazt..oui nous avons des observations et des remarques...
NC : Quelles sont les mesures et régulations que vous souhaiteriez voir appliquer dans votre secteur ?
SMV : Nous avons bcp de solutions et de plans à proposer pour développer ce secteur ..seuls les investissements nous font défaut. Il recèle des gains énormes (nous reviendrons sur les détails)
NC : Est-ce un domaine qui pourrait favoriser l’emploi ?
SMV : Nous avons seulement besoin de moyens financiers..pour l'expertise et l'organisation nous sommes auto- suffisants.. .Dans son état actuel ,le secteur emploie des dizaines de milliers de personnes et si nous parvenons à le développer, ces chiffres seront doublés .
NC : Si oui quelles qualifications faut-il avoir ?
SMV : Certes, l'or abonde ici et notre sous-sol recèle d' énormes ressources naturelles telles que le GAZ, le fer,le cuivre d'uranium, la terre noire ( tourbe ?), le gypse en plus du pétrole et d'une richesse halieutique considérable.
NC : Pensez-vous que l’Etat Mauritanien devrait constituer une réserve d’or ?
SMV : Notre souhait est que la prospection artisanale devienne un levier important de notre économie.
NC : Quels sont vos espoirs concernant l’avenir de l’orpaillage artisanal en Mauritanie ?
SMV : Nous considérons que s'il y'a possibilité d'un paternership avec des investisseurs ayant des moyens sérieux, ce secteur pourra générer d'énormes bénéfices. Cela au plan commercial pur et au plan industriel , nous avons convaincu les autorités d'accorder des licences pour la prospection semi - industrielle afin d'encourager les privés, les petites mines, le traitement des déchets. Nous oeuvrons dans tous les sens afin d'éradiquer tant que faire se peut, la pauvreté, source de la misère qui pourrait jeter nos fils dans les bras du terrorisme ou autres dérives.
Fin.