Les premières élections démocratiques auxquelles j'ai assisté dans le pays offrent une perspective intéressante pour comprendre les défis et les désillusions du processus électoral.

Outre l'ancien colonisateur, dans l'histoire politique Mauritanienne moderne, c'est toujours un petit comité de militaires qui consent à remettre le pouvoir en jeu, dans un rituel démocratique bien connu, qui est celui des élections.
Il faut savoir remercier le ciel pour les petites faveurs.
Il convient de reconnaître que le processus électoral peut présenter des lacunes et que le respect des résultats n'est pas garanti mais au moins nous pouvons dire que quelque chose se passe et que nous y participons, même pour du beurre. Ma première expérience de ce genre fut en 1991, le pays venait de traverser la plus grave crise de sa jeune Histoire.
La mémoire ne s’efface pas d'un trait de plume.
Même à l'âge de dix ans, je pouvais déjà comprendre que la nouvelle constitution et la précipitation avec laquelle les élections ont été organisées ne représentaient rien de plus que des tours de passe-passe, destinés à une nation traumatisée et globalement pacifique.
Peu importe que le chef du régime militaire, responsable par définition de l'épisode ignoble de 1989, se trouve être l'initiateur de ce changement démocratique, qui va lui permettre de présider le pays pendant encore 14 ans.
En Afrique tout comme en Mauritanie, les contradictions sont le sel de la vie.
Avec des scores toujours plus importants, le colonel président Maaouya Ould Sid'Ahmed Taya avec son parti le PRDS, ont monopolisé la vie politique. L'opposition Mauritanienne, qui est quasiment la même aujourd'hui à quelques additions près, ne pouvait rien faire d'autre, que ramasser les miettes en attendant un geste de soutien politique de l'étranger, à défaut d'autre chose.
Quand les troubles commencent.
En dépit de ce que les urnes pouvaient laisser entendre, les Mauritaniens ne pouvaient pas être satisfaits, ils étaient au mieux résignés face à l'injustice. Le pouvoir n'avait donc rien à craindre des masses populaires. Il s'était néanmoins fait un ennemi de taille, car lors du changement constitutionnel et de l'instauration du multipartisme, un acteur avait été banni de l'équation et volontairement ostracisé. Cet acteur qui se rapproche toujours plus, de l'obtention d'un premier rôle au casting de tête de notre pays. Il s'agit de ceux qui ont été désignés comme islamistes.
La muette bafouille.
En 2003, des cavaliers vont déclencher un enchaînement d’événements, qui vont avoir le mérite de bousculer l'institution de l'armée en Mauritanie et le défaut de provoquer une tentative de redressement de la situation, par un énième coup d'état et l'organisation d'un nouveau comité militaire.
Il faut savoir apprécier le caractère romanesque de cette séquence. En effet, il s'agit d'une tentative de coup d'état, fomentée par des jeunes officiers, dont l'un d'eux avait d'ailleurs quitté l'armée ou s'en était fait exclure. Il n'est donc pas question ici, de la petite oligarchie militaire qui rançonne l'avenir et l'espoir des Mauritaniens.
En tant que citoyenne, je trouvais pour être tout à fait franche, qu'ils avaient accomplis leur devoir vis à vis de nous. Parce que j'estime, que si l'on veut conserver notre société un minimum intacte, c'est aux militaires honnêtes d'arrêter ceux qui ne le sont pas ou plus. Les cavaliers du changement ont voulu réparer une injustice et sans toutefois y réussir, ils ont mis en branle le mouvement qui allait destituer le colonel président Maaouya Ould Sid'ahmed Taya.
Le chef n'est plus, vive le chef !
L'oligarchie militaire cherchait à se maintenir au pouvoir et a décidé de sacrifier son chef pour y parvenir. Elle ne l'a pas offert au peuple vengeur, car cette option eut été suicidaire. On a donc laissé le chef partir et on lui a soustrait son pouvoir. L’oligarchie militaire s'adressa aux Mauritaniens, se présentant comme un comité pour la justice et la démocratie, alors qu'elle venait à peine de lui ravir la justice.
Une transition de bonimenteurs.
Les Mauritaniens décidèrent de ne pas voir ce qui allait irrémédiablement se produire, en acceptant dans la joie et l'allégresse cette nouvelle promesse. Contre toute attente, expérience, prudence et vigilance, ils offrirent un temps précieux à cette oligarchie militaire. Presque 3 années, pour se refaire une virginité sur la scène internationale. Ils finirent par organiser des élections, autorisant une avalanche de partis politiques et de candidatures.
Le président de ce comité, qui était feu le colonel Ely Ould Mohamed Vall, avait même plaisanté devant les caméras, en disant que si nous n'étions pas satisfait du choix, nous avions toujours l'occasion de voter blanc.
Des élections plébiscitées.
Selon de nombreux observateurs sérieux, les élections de 2007 étaient citées en exemple pour leur transparence et le bon déroulement du scrutin. Naturellement, cette qualification ne vaut que dans l'environnement Africain où nous nous situons. Comparé au reste du monde, je crois que ce serait une description hautement contestable.
Pour moi, ces élections n'étaient que du bluff. Si quelqu'un s'était intéressé aux flux financiers lors de cette campagne et pas juste aux listes électorales, aux bureaux de votes et au matériel. Il aurait compris pas mal de choses à mon avis. Car beaucoup d'argent circule pendant les campagnes électorales et comme nombre de pays dans le monde, l'argent fait toute la différence. Si en plus, la majorité en âge de voter, est pauvre et au chômage, ce facteur devient plus compromettant pour la démocratie, que la simple fraude.
Démocratie vous dites ?
Comme le comité pour la justice et la démocratie, avait déjà repris la justice, il ne lui restait plus qu'à nous reprendre la démocratie. C'est ce que le général Mohamed Ould Abdel Aziz décida de faire, un an à peine après la prise en fonction du nouveau président démocratiquement élu, Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Ce dernier avait eu le malheur de penser, qu'on pouvait limoger des militaires, alors que sa propre sécurité présidentielle dépendait entièrement d'eux.
Conclusion.
Le général Mohamed Ould Abdel Aziz, avec beaucoup de finesse et d'intelligence arriva à compromettre l'opposition, qui lui donna la légitimité politique nécessaire de rester au poste qu'il venait de prendre par la force. Comme de bien entendu, il remporta les deux élections présidentielles qui suivirent. Les Mauritaniens fondent de l'espoir sur les prochaines élections, aussi je ne voudrais pas moucher cette étincelle. Cependant, je me dois de vous écrire, que rien ne me permet de vous dire, que ces élections seront miraculeusement épargnées par l'influence et la mainmise de l'oligarchie militaire. Pour la simple et bonne raison, que nous ne leur avons proposé aucune porte de sortie.