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LA MORÉRIA

Le processus qui conduit au choix d'un titre, est parfois très simple. C’est un peu comme cocher une case pour offrir une réponse. Souvent cela est plus laborieux, comme lorsqu’on s'apprête à faire un saut à l’élastique mais que nos pieds restent figés au bord du précipice. Nous tentons alors en vain de trouver ce mot ou cette combinaison de mots qui nous permettrait vraiment de décrire la réalité que nous cherchons à exprimer.

 

Il faut pouvoir traduire une idée complexe en une image mentale, capable de suggérer cet ensemble ou de le laisser deviner. Nous voulions créer un site web ayant pour thème la Mauritanie, qui puisse offrir aux Mauritaniens la possibilité de se réinventer. En effet, nous pensons que la majorité des problématiques sociales, politiques et économiques, souffrent d’une mauvaise lecture et d’une mauvaise interprétation de la part de nos concitoyens.

 

L’une des raisons de ce phénomène, peut se trouver tant dans l’idée de citoyenneté que dans sa définition. Le citoyen est cet individu qui nourrit la cité, par sa présence, sa pensée, son sacrifice, son travail et son engagement vis-à-vis d’elle. Sans citoyen conscient point de cité durable, encore moins de société prospère.

 

Le Mauritanien existe, vraisemblablement, mais le citoyen Mauritanien c’est une autre histoire, manifestement. Sur 58 années d’indépendance, nous ne pouvons créditer le pouvoir civil que de 18 années d’exercice effectif.

 

Le pouvoir militaire, lui, sévit depuis 40 ans. Dans de telles conditions, il est difficile d’imaginer l’épanouissement d’une citoyenneté Mauritanienne. Tout ce que le pouvoir civil a fait pour produire de la citoyenneté, du patriotisme et pour établir des valeurs communes entre les Mauritaniens, le pouvoir militaire l’a méthodiquement défait en marginalisant les citoyens et leurs droits, par l’instauration d’une loi martiale à peine déguisée qui ostracise les intellectuels et les personnalités publiques autrefois détenteurs de la confiance populaire.

 

L’autorité militaire se maintient toutefois habilement. Elle sait terroriser mais elle sait surtout exploiter l’existence ancestrale de déterminismes ethniques et culturels. Privé de politique sociale, l’individu trouve les mécanismes élémentaires de solidarité qui lui permettent de survivre au sein de son clan, de sa tribu voire de sa caste. Les militaires instrumentalisent alors les passions, attisent les rivalités et profitent de la division pour mieux s’ériger en arbitres.

 

Cette génération d’officiers portera tôt ou tard les stigmates de sa terrible trahison. Leurs noms et leurs visages resteront à jamais associés, dans la mémoire des Mauritaniens à la prise en otage de leur rêve, celui d’une jeune nation pauvre formée par de vieux peuples aux riches héritages, qui décidèrent un jour de converger vers un destin commun. En vérité, on est bien incapable de tuer les rêves, on ne sait vraiment que tuer les rêveurs.

Ce rêve qui a mordu la poussière, qui a connu les mensonges, les tortures et les déportations est toujours vibrant dans les cœurs et de plus en plus présent dans les esprits. C’est pourquoi, nous croyons de toute notre âme, qu’il est possible pour les Mauritaniens de se réformer et d’en organiser la reconquête.

 

Avant de penser aux conditions des retrouvailles entre les Mauritaniens et d'imaginer le rassemblement des forces vives de la Nation, nous devons accepter notre part de responsabilité dans le bilan qu'accuse nos gouvernants. Cette étape, obligatoire et salutaire, nous permettra d'envisager notre avenir politique sous un meilleur jour, parce que désormais nous aurons retenu la leçon, qui consiste à ne pas uniquement se méfier de ceux qui recherchent le pouvoir, mais aussi de ceux sur qui, ce pouvoir s'exercera.

 

Nous devons à présent comprendre où nous nous sommes trompés, savoir comment et pourquoi nous n’avons ni su ni pu redresser la situation. Nous éviterons ainsi de retomber dans les mêmes travers à l’avenir.

 

Être une nation, c’est une décision, une volonté, un choix assumé et entendu. Ce n’est en aucun cas un vœu pieu, une velléité, un slogan creux. En Mauritanie, nous ne vivons pas comme une nation revendiquant des valeurs, poursuivant un objectif ou plusieurs. Nous vivons comme des individus qui partagent un territoire, qui doivent s'adresser à une administration corrompue pour obtenir ses papiers. Nous subissons le joug d’un état coercitif habile et si notre constitution rappelle l'État de droit, le découragement nous le fait oublier.

 

Le régime, avec ses manœuvres opaques, pernicieuses, son industrie du laisser-aller, nous fait perdre de vue la raison pour laquelle nous sommes ensemble.

Il est toujours désagréable de constater à quel point le pouvoir nous méprise, nous infantilise et nous mystifie. Toutefois, lorsqu’on a compris le mécanisme de la fraude, généralement on ne devrait plus retomber dans le piège.

 

Commettre des erreurs ou méconnaître des réalités, ne nous rend ni stupides ni incapables. C’est au contraire ce qui nous pousse à apprendre, ce qui aiguise notre curiosité, ce qui nous conduit à être plus attentifs aux détails.

 

Nous ne voulons pas reproduire les mêmes erreurs indéfiniment. Le plus louable dans notre aventure, sera le fait de reconnaître que l’imperfection, les fautes et le mal font partie du grand défi du vivre ensemble. Nous souffrons encore de notre ignorance, de notre pauvreté et de nos conditions de vies précaires.

 

Nos citoyens en âge de voter se divisent grossièrement entre pauvres sans éducation et indifférents aux enjeux politiques, pauvres éduqués et politisés de manière catégorielle, classe moyenne éduquée et politisée de manière catégorielle, riches sans éducation et peu politisés, riches éduqués et politisés de manière catégorielle.

 

Par “catégorielle”, nous entendons le niveau de conscience et de privilège dont bénéficie un individu, du fait de sa naissance, ainsi que par le jeu communautaire des catégories sociales, souvent imbriquées les unes dans les autres.

Les autorités en place sortent systématiquement gagnantes de ce jeu dont elles maîtrisent parfaitement les cartes. L'État, tel un grand casino, nous abuse, nous ruine et nous dresse les uns contre les autres.

 

Il organise les conditions de notre dépendance et sait en profiter. Les faux espoirs sont une drogue dure. Changer cette dynamique, revient à effectuer un tour de force. Ce n’est pas quelque chose, que nous pouvons changer d’un coup de baguette magique en nous concentrant très fort.

 

Nous y parviendrons à partir du moment où nous serons capables d’assimiler la portée globale et historique de la notion de citoyenneté. Premièrement, nous devrions faire connaissance avec ce « nous » qu’il va falloir incarner à titre individuel, ce qui, en partant du spectacle que nous donnons à présent, est une œuvre délicate pour celui qui l’entreprend.

 

Fort heureusement, vos serviteurs ne sont pas défaitistes et ils n’acceptent la sentence de la fatalité qu’en dernier recours et toujours à contre cœur. Chercher un nom qui puisse évoquer un lien indéfectible, une histoire prestigieuse, une civilisation intellectuelle et industrieuse, un passé glorieux commun… Cela mérite une réflexion profonde, un travail de fourmis, pensions-nous.

 

Pas du tout. Nous avons d’abord trouvé une sonorité, semblable au cliquetis du flamenco, une tonalité espagnole, puis deux mots : LA MORERIA. Nous n’en connaissions pas le sens.

 

Une passionnante recherche confirma notre choix. La Moreria, en effet, signifie « le quartier Maure ». Nous désignons communément par “Maures” les Beidanes, les "blancs" du paysage ethnique de ce territoire, connu sous le nom de Mauritanie.

 

Pour les Espagnols, les Maures sont toutes les populations musulmanes qui ont surgi du continent Africain pour coloniser la péninsule Ibérique et y former des États islamiques qui ont pris l’appellation de califat. Nos ancêtres ont d’ailleurs participé à cette formidable aventure.

Pour les Européens, nous sommes tous des gens de couleurs, car nous sommes plus foncés qu’eux. Cette distinction, ce rapport aux autres, nous ne voulons ni le reproduire ni l’étendre.

 

Il s’oppose à l’Islam. Nous désirons le détruire, le rendre obsolète, inutile et répugnant. Nous y tournons le dos, fermement résolus à le remplacer.

 

La Moreria, c’est une idée, dans une langue, avec laquelle nous n’avons pas de rapport d’hostilité ou de méfiance, l’idée que nous sommes une nation pilote, une société conforme aux valeurs véhiculées par notre religion commune, riche des différents univers humains qui la composent.

 

Nos aïeux avaient tout compris. Honte à nous qui non seulement n’avons pas fait mieux qu’eux, mais qui en plus avons radicalement compromis la position mentale qui l’aurait permise.

 

La Moreria c’est affirmer que Maure ne signifie pas peau claire. C’est au contraire tout celui qui se sent l’héritier de l’Islam, de la philosophie unitaire et sociale qu’il véhicule et promeut, d’une histoire régionale aussi riche que mouvementée, qui bien souvent le dépasse, mais le situe toujours en Mauritanie.

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